« Hitler ne loge pas seulement dans les palais présidentiels», disait Henri Lopes. Est-il nécessaire d’ajouter que dans nos maisons et familles, il peut y avoir un Hitler ? Le moins qu’on puisse dire, c’est que cette assertion est bien applicable à Komi Séwanou Dovi, grand-frère de l’un des actionnaires de l’Établissement Dovi & Sam, spécialisé dans la commercialisation des équipements sportifs, des vêtements Lacoste et Polo et des chaussures de sport, qui n’a pas manqué de moyens pour s’approprier l’affaire de son frère défunt, Kémédé Dovi (plus connu sous le nom de Dovi), laissant dans le dénuement le coassocié, Sam Aléhéri, la veuve et les 4 enfants mineurs du défunt.
Personne n’a jamais su de quoi
son frère souffrait, mais Komi Séwanou Dovi (Photo) a soutiré au moins 21 millions de
francs CFA à la société pour, disait-il, les soins de santé de son frère. Il
est devenu le propriétaire de la voiture de son frère. A la mort de celui-ci, il
s’achète une autre voiture, fait auditer la société, se fait nommer administrateur
des biens, vide le compte de Dovi & Sam de
42 millions, détourne la clientèle et les marchandises de Dovi & Sam au profit de sa boutique alors que les boutiques de
son défunt frère sont désormais sou scellées.
Dovi &
Sam a aujourd’hui une dette de 8
millions. Mais le nouveau tout-puissant DG, une tierce personne à la
constitution de cette entreprise, nargue qui il veut.
Que s’est-il exactement passé
pour qu’on en arrive là ? Il faut dire que Kémédé Dovi et Sam Aléhéri sont deux voisins de quartier. Par la force
des choses, ils devinrent amis. Les 2 compagnons de misère, l’un n’ayant pas pu
obtenir son BAC après deux tentatives et l’autre qui, face au manque de moyens
financiers, n’a pas pu continuer sa formation à Accra au Ghana, ont décidé de
vendre des chaussettes.
« Nous avions commencé petitement sous les arbres au niveau de
GTA avec à peu près 50.000 francs. C’était en 2001. Nous avions seulement un parasol,
2 chaises en plastique et une petite radio. Et de fil en aiguille, nous
faisions de petits prêts çà et là. Les activités commençaient par grandir.
Quelques années après, on nous avait demandé de libérer la place que nous
occupions. C’est de là que nous avions pour la première fois loué un local qui
n’est autre qu’une petite boutique », raconte
Sam Aléhéri.
Sous leur parasol et
suspendant leur produit à de petites cordes pour attirer l’attention, les deux
associés ont fait les frais de railleries mais ces péripéties n’ont pas pu les
faire baisser les bras. 18 ans après, ce petit établissement (non que les
associés donnent à leur entreprise) dont se moquaient plusieurs personnes qui
disaient aux 2 amis d’aller faire quelque chose d’autre ou de mieux, possède 3 boutiques
à Lomé et une à Tsévié (35 km au nord de Lomé). Elles commercialisent des
équipements sportifs, des vêtements Lacoste et Polo et des chaussures de sport.
Du Ghana où ils allaient s’approvisionner en marchandises, les associés
mettaient désormais le cap sur la Chine. Des 50.000 francs pour commencer, la société
compte désormais des millions.
Le
début des problèmes de l’établissement Dovi & Sam
En mai 2016, de retour d’un
voyage d’affaire de la Chine, Dovi est tombé malade. Il avait fait appel au
médecin traitant de leur société qui lui avait prescrit des perfusions. Sans
donner sa permission, le malade fut évacué manu militari par ses frères et
sœurs conduits par Komi Séwanou. A partir de ce moment, Dovi n’était plus
accessible, même à ses collaborateurs. Sa voiture était devenue la propriété de
son grand-frère susnommé. C’est lui qui répondait à ses appels. Personne ne
savait où ils ont amené le malade. Personne non plus ne pouvait savoir ce dont
il souffrait
.
Mais toutes les dépenses que
générait sa maladie sont prises en charge par l’Établissement. Le montant reçu
par Komi Séwanou Dovi pour prendre soin de son frère se chiffrait à un peu plus
de 21 millions de francs CFA. Les documents sont là pour l’attester.
« Il venait avec des ordonnances où étaient prescrits des médicaments
qui coûtaient entre 90.000 et plus de 100.000 francs l’un. Je refusais parfois
de lui donner l’argent mais je me disais que si quelque chose arrivait à mon
associé, on me l’imputera. Aujourd’hui, nous avons une dette de 8 millions de
francs. Toutes les boutiques sont fermées, pendant de ce temps Séwanou vide le
compte de la société », révèle Sam Aléhéri.
Durant tout le temps où Dovi
était malade, c’est la société qui prenait en charge toutes les charges de sa
femme et de ses 4 enfants notamment la scolarité des enfants, leur nourriture,
l’électricité. Bref, tous les besoins de la famille.
De mai 2016 à novembre 2018,
période de la maladie de Dovi, Kokou Adjassou, son autre grand-frère (premier
fils de sa mère) aussi venait prendre l’argent à l’entreprise.
« Il avait accéléré la finition de la maison que construisait
son frère malade et donc venait régulièrement prendre de l’argent. A la mort de
leur frère, ils sont venus nous le dire une semaine après. Ils nous avaient
caché sa mort. C’est de là que j’ai exigé que pour encore donner de l’argent,
je dois le voir. Ils m’ont dit qu’il est dans un état où personne d’autre ne
peut plus le voir. Ses numéros étaient détenus par ses frères pour l’empêcher d’être
en communication avec nous. Quand ils viennent prendre de l’argent et que je
leur demandais de me le passer au téléphone au moins avant, ils me disaient
qu’il ne pouvait pas parler », se rappelle le coassocié.
En novembre 2018, Dovi est
décédé. C’est la société qui a pris en charge toutes les dépenses de ses obsèques.
A ces obsèques, des choses inouïes se produisirent, au grand dam de tout le
monde. Selon l’un des collaborateurs de Dovi & Sam recruté en 2008, la famille a enfermé
le corps, l’associé et tous les salariés dans une chambre et il leur avait été
demandé de dire des choses pour accompagner la défunte personne à sa dernière
demeure. Certains l’ont fait, d’autres ont refusé, arguant que ce n’est pas à
la mort de leur patron qu’on va leur demander de faire ces choses, a-t-il noté,
ajoutant qu’une scène indicible s’était aussi produite.
« Dans la chambre où nous étions, je ne voulais pas le dire
mais le cadavre puait. Quand nous avions sorti le cercueil, en 10 minutes, des
mouches ont envahi les lieux. C’est là où les gens se demandaient si ce sont
vraiment les obsèques de Dovi », a-t-il fait savoir,
écœuré.
Les
choses se compliquent après l’enterrement
Au lendemain des obsèques de
Dovi, la vie à l’entreprise devient invivable. Aidés par sa grande-sœur Pauli
Dovi (fille du père), Kokou Adjassou (grand-frère de même mère) et Aboutou Dovi
(petit-frère) et Komi Séwanou Dovi sont
venus dire au coassocié de Dovi & Sam qu’ils
vont faire auditer la société.
« Ils m’ont fait savoir que Kémédé Dovi leur a dit avant de
mourir que la société est à nous deux, de n’avoir crainte car personne ne peut
se lever et m’arracher la société, mais ils cherchaient simplement à ce que les
comptes soient clairs pour tout le monde. Puisque je ne cache rien, j’ai
accepté », se souvient Sam.
Seulement, l’affaire a pris
une autre tournure. Les commanditaires de l’audit sont revenus le lendemain sur
les lieux avec des personnes censées faire l’audit, sans présenter de document
leur permettant d’auditer la société. Ce travail d’audit a été arrêté une
première fois à cause d’un ami des 2 associés. Venu dans la grande boutique à
Lomé, il a demandé aux auditeurs de présenter des papiers. Ceux-ci n’ont pas pu
et ont été renvoyés. Le lendemain, les commanditaires de l’audit ont fait
convoquer l’intrus au commissariat. Le commissaire a renvoyé les parties, disant
que cette affaire ne relève pas de la compétence de la police mais de la
justice.
« L’audit a donc continué et quand ils ont fini, ils ne m’ont
rien dit. Ils sont venus avec des ordinateurs et m’ont dit qu’à partir
d’aujourd’hui, tout sera informatisé et les acheteurs recevront un reçu
informatisé. Ils m’ont aussi dit que c’est Komi Séwanou qui a été désigné
administrateur des biens de la société. Et donc, c’est désormais avec lui que
je ferai les comptes. Ils sont revenus 2 jours après pour installer des caméras », déplore Sam.
Autrement dit, Komi Séwanou
Dovi est désormais devenu coactionnaire de Dovi & Sam. La seule faute commise par Sam,
c’est que si cet établissement a pour nom Dovi & Sam, nom qui est d’ailleurs sur la
carte d’opérateur économique, tous les comptes bancaires sont mis au nom du
défunt seul. Sur le compte principal de la société, il y avait 48 millions. A
ce jour, il n’y reste que 4 millions. Une situation qui ne plaît pas à Sam. Il
en souffre énormément.
« Je suis allé voir Me Yacoubou Agnina pour lui dire que je
n’ai plus envie de travailler dans ces conditions. Le mieux, c’est qu’on
procède au partage des biens de la société. J’ai aussi dit à l’avocat que
l’actionnaire majoritaire étant Dovi, je souhaiterais que les biens soient
partagés en 3 parties, que les 2 parties aillent dans le compte de mon ami
défunt et une partie pour moi. Je lui ai demandé en dernier lieu de nous
convoquer sur le lendemain. Ce qui fut fait », a-t-il déclaré.
Mais les intéressés ont
brillé par leur absence. Aujourd’hui, avec Komi en tête, ils narguent qui ils
veulent. Et pourtant, c’est à peine que Dovi, de son vivant, adressait la
parole à son grand-frère Komi, puisque le connaissant pour ses magouilles.
« Quand il était en vie, son grand-frère et lui ne se parlaient
pas. Je me rappelais que nous avions fait une grande commande. A l’arrivée de
celle-ci, notre magasin ne pouvait pas tout contenir. On cherchait un lieu où
mettre le reste. On avait proposé de mettre le reste chez son grand-frère mais
Dovi a catégoriquement refusé. Il avait accepté après plusieurs supplications,
à condition que Sam s’en chargeât personnellement. A l’inventaire, on
remarquait que le compte n’était pas bon. C’est de là il nous disait, voilà les
raisons pour lesquelles il ne voulait pas qu’une partie de la marchandise lui
soit confiée », raconte le collaborateur de Dovi & Sam.
Une
situation qui divise la famille Dovi
« Quand mon frère était malade, je n’ai pas pu le voir jusqu’à
sa mort. Je ne suis même pas seul, tous les autres de la famille ne l’ont pas
vu. Nous avions cherché à le voir, Komi a refusé. On nous avait même interdit
de venir encore dans sa maison. Nous avions appris sa mort par WhatsApp. Je
sais qu’ils venaient prendre de l’argent à la société. Mais encore faut-il
vérifier qu’ils achetaient vraiment les médicaments à notre frère. Aujourd’hui,
mon frère laisse derrière lui 4 enfants mineurs », tels
sont les premiers mots de Kodjo Dovi, le plus grand en âge de la
progéniture Dovi.
Il dit avoir même recommandé
à plusieurs reprises à Sam le coassocié, lorsque Dovi était encore en vie, de
ne plus remettre de l’argent à aucun de ses frères, sans l’aval de toute la
famille. Selon lui, Komi a poussé de grandes ailes dans cette affaire. Ce n’est
pas la première fois, a-t-il poursuivi, que la famille Dovi perd quelqu’un. « Tout se fait
toujours en famille. Mais à la mort de notre frère, ils ont fait seuls le
programme des obsèques, je n’étais pas là », a-t-il relevé.
Selon lui, à une réunion de
famille, « quand
nous avions posé la question sur la situation, Komi nous a formellement
interdit d’évoquer ce sujet. Je ne sais pas comment ils ont procédé pour le
nommer après administrateur des biens ».
Pour un autre Dovi, à une
autre réunion de famille après la mort de leur frère, Komi Séwanou Dovi a
traité Sam de « salarié
comme les autres ». Pour lui, le seul propriétaire de Dovi & Sam,
c’est leur frère.
Ne supportant pas ce qu’il
se passe, Sam Aléhéri a fait fermer les 4 boutiques de la société, en attendant
de trouver une solution idoine à ce problème. Après 18 ans de souffrance pour
asseoir une société, il est pratiquement dépourvu de tout par la faute d’une
tierce personne, complètement étrangère à cette entreprise qu’ils ont bâtie
jour après jour.
Que
demande Sam Aléhéri ?
Le coassocié ne demande que
justice. « Que
l’argent revienne sur le compte », s’écrie-t-il.
Aujourd’hui, alors que les boutiques de Dovi & Sam sont toutes fermées,
Komi Séwanou s’est taillé à Kodjoviakopé une boutique parallèle, spécialisée
dans la commercialisation des équipements sportifs et autres. Il continue
d’utiliser le numéro de son frère mort et détourne tous les clients qui
venaient se procurer chez Dovi & Sam.
Voici ce qu’il dit au
téléphone quand on l’appelle au numéro de son défunt frère pour l’informer
qu’on les cherche à l’une des boutiques de Dovi & Sam mais
on ne les trouve pas : « Si vous appelez ce numéro, vous nous trouverez. Nous
avons une autre boutique à Kodjoviakopé, non loin de l’ancienne présidence.
Juste quand vous allez vers l’Ambassade d’Allemagne, au même diapason que les
feux tricolores, il y a une boutique à droite. Il y a des mannequins devant la
boutique, vous ne vous perdrez pas ».
Approché pour avoir sa
version des faits, Komi Séwanou Dovi rejette en bloc toutes les accusations et
accuse la veuve de Dovi et sa famille d’être
responsable de la mort de son frère. Au sujet de l’argent du compte de la
société, il rassure de l’avoir juste déplacé pour le sécuriser.
Notons qu’il est soutenu et
conseillé dans ses magouilles par un véreux avocat de la place.
Nous y reviendrons.
Edem KOAMI
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