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Nakpa Polo |
Interview du président de la CNDH sur le couvre
feu et la force spéciale mixte
Madame le Président de la CNDH, le monde entier est secoué
actuellement par la pandémie du Coronavirus ou COVID-19. Le Togo, notre pays
n’est pas épargné par cette maladie, puisque le premier cas a été annoncé le 6
mars dernier.
Dans son discours à la nation le 1er avril 2020, le Chef de l’État, tout en renforçant les mesures barrières, a décrété l’état d’urgence
sanitaire et un couvre feu, puis créé une force spéciale mixte anti-Covid-19
composée de 5 000 hommes.
Gapola : Madame le Président, quelle est la
position de la CNDH par rapport à l’état d’urgence sanitaire et au couvre feu,
deux mesures qui sont de nature à restreindre
la jouissance des droits des populations ?
Nakpa Polo: Je vous remercie de me donner l’opportunité de m’adresser aux
populations en cette période de crise sanitaire marquée par la pandémie du
Covid-19.
Effectivement,
le monde entier est secoué par la maladie à coronavirus. Aussi bien les pays
riches que les pays pauvres sont tous frappés par cette maladie. Le Togo, notre
pays n’est pas épargné. Le gouvernement a annoncé le premier cas le 06 mars
dernier. A ce jour du (jeudi 30 avril 2020) on a, au total 116 cas confirmés
dont 42 cas actifs, 65 cas guéris et 09 décès.
C’est
une situation inédite qui inquiète tout le monde, aussi bien les populations
que les autorités, et particulièrement la CNDH, d’autant plus qu’il s’agit
d’une question de santé publique qui fait beaucoup de ravages.
Revenant sur votre question, je voudrais rappeler
que l’état d’urgence est une mesure d’exception que l’exécutif prend pour
protéger la sécurité nationale, l’ordre public et la santé publique (article 14
de la Constitution). L’état d’urgence a pour particularité de donner des
pouvoirs supplémentaires aux autorités administratives et de restreindre les
libertés individuelles et collectives.
La
CNDH salue l’ensemble de ces mesures. Bien qu’elles restreignent les droits et
libertés des populations, ces mesures sont justifiées par la gravité de la
situation sanitaire. Mais, je rappelle que ces mesures sont temporaires.
Depuis le début de l’état d’urgence, des allégations
de violation des droits de l’homme ont été recensées et qui seraient attribuées
à des agents de la force spéciale mixte
anti-pandémie Covid-19. Pourquoi la CNDH n’a pas dénoncé de tels
agissements ?
Conformément
à l’article 5 point 2, « la CNDH intervient auprès de l’administration
publique pour faire cesser les violations et faire procéder à des réparations ».
Dénoncer pour dénoncer
n’est pas une fin en soi. C’est mettre fin à la violation qui est la finalité.
La CNDH ne dénonce qu’après épuisement de toutes les
voies de recours, tel que souligné dans les articles 40 et 41 de la loi
organique.
La CNDH n’a donc pas croisé les bras. Elle a mis
en place un observatoire tel que annoncé dans son communiqué en date du 02
avril 2020. Cet observatoire est chargé de répertorier toutes les allégations de
violations des droits de l’homme en lien avec la gestion de l’état d’urgence
sanitaire afin de faire des recommandations à l’État pour une meilleure
protection des droits de l’homme en cette période d’exception.
Les antennes régionales de la CNDH qui sont les
points focaux, sont aussi mises à contribution. Elles doivent recenser et
transmettre sans délai à l’observatoire les allégations de violation des droits
de l’homme collectées durant cette période.
La
Commission met aussi à contribution certaines organisations de défense des
droits de l’homme (ODDH) pour un partage d’informations dans la mise en œuvre
de ce mécanisme.
C’est
l’occasion pour moi de remercier ces ODDH pour leur adhésion à cette initiative
et leur collaboration.
Par
rapport aux allégations de violation des droits de l’homme dont vous avez fait
allusion, la CNDH les a apprises à travers les réseaux sociaux et elle a été
aussi saisie par les organisations de défense des droits de l’homme (ODDH).
Aussitôt, l’observatoire a entrepris des investigations.
A
la date du 30 avril 2020, neuf (09) cas d’allégations de violation des droits de l’homme imputés à la
force spéciale mixte anti-pandémie COVID-19 ont été enregistrés, sur lesquels
l’observatoire a fait des interventions :
-
l’affaire
dame DRAFOE Nyanuwoede à Dévikème dans la préfecture des lacs : l’équipe
de l’observatoire s’est rendue sur place le 15 avril 2020, a auditionné la
victime et l’adjoint au commissaire de Gbodjomé ;
-
l’affaire
du décès de GUELI Kodjosseh à Avédji Limousine : l’équipe de
l’observatoire a rencontré le commissaire de Djidjolé, le 16 avril 2020, ensemble
avec des membres de la famille et a eu des échanges téléphoniques avec le
sapeur pompier ayant transporté la victime au CHU Sylvanus Olympio ;
-
l’affaire
Dodji KOUTWATI à Adakpamé à Lomé qui serait décédé des suites des coups et
blessures administrés par des éléments de la force spéciale mixte anti-pandémie
Covid-19. L’équipe s’est déplacée à Adakpamé où elle a rencontré, le 23 avril
2020, l’adjoint au commandant de brigade de la gendarmerie d’Adakpamé et le
chef quartier. Compte tenu de la tension, elle n’a pas pu rencontrer la famille
de la victime.
-
l’affaire
Boukpessi Essowè à Davié. L’intéressé a été auditionné, le 17 avril 2020 par
téléphone;
-
l’affaire
du journaliste TIASSOU Akoété alias Michel AKOETE à Nukafu : audition de
la victime par téléphone le 21 avril 2020, suivie d’une visite à son domicile,
le 23 avril 2020 ;
-
l’affaire
de la femme enceinte d’Avépozo qui serait décédée des suites des coups
administrés par des éléments de la force spéciale anti-Covid-19 : l’équipe
de l’observatoire n’a pas pu obtenir des informations sur l’identité de la
présumée victime ni celles concernant sa famille ;
-
l’affaire
de la jeune fille violée à Aného : l’équipe de l’observatoire a eu un
échange téléphonique avec le Procureur de la République près le tribunal
d’Aného, le 20 avril 2020 qui a déclaré n’avoir reçu aucune information ni
plainte dans ce sens ;
-
l’affaire
de la manifestation des conducteurs de taxi-moto à Atapkamé concernant la
saisie des motos : audition, le 20 avril 2020 du directeur régional de la
police et commandant régional de la force anti-pandémie, ainsi que le secrétaire
général de la mairie Ogou 1 ;
-
affaire
du jeune gravement blessé à l’œil à Djidjolé (côté maison ADEBAYOR) :
l’équipe de la CNDH n’a pas pu entrer en contact avec la victime.
En résumé, l’observatoire a procédé à des
auditions, et a rencontré les personnes concernées ou leurs familles, ainsi que
certaines autorités sécuritaires, notamment le commandant de la force spéciale
mixte anti-pandémie Covid-19, le vendredi 17 avril 2020. La CNDH avait déjà
saisi le Ministre de la sécurité le jeudi 16 avril 2020 pour le cas de Dévikèmé
afin que les mesures idoines soient prises pour identifier et sanctionner les
auteurs conformément à la loi et que la victime soit prise en charge.
Quel est votre message de fin ?
La
Commission rassure la population qu’elle a pris à cœur la protection des droits
de l’homme pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire.
La
CNDH se félicite du dernier communiqué du gouvernement sur l’ouverture
systématique par le ministre de la justice d’une enquête sur les cas de
violations.
La
Commission, tout en déplorant les allégations de violations des droits de
l’homme, exhorte le ministre de la justice à mener jusqu’au bout les enquêtes annoncées
afin de situer les responsabilités et sanctionner les auteurs de telles
violations conformément aux lois en vigueur.
Elle
présente ses condoléances aux familles éplorées et souhaite un prompt
rétablissement aux blessés.
La
CNDH invite la force spéciale mixte anti-pandémie Covid-19 à poursuivre sa
mission avec professionnalisme et à éviter de recourir à la violence.
A
l’endroit de la population, la CNDH voudrait l’inviter au strict respect des
mesures barrières prises par le gouvernement pour limiter la propagation du
virus et à se conformer aux exigences de l’état d’urgence sanitaire, en
particulier le couvre feu.
Elle
invite la population à porter à sa connaissance tous les cas de violence et de
violation des droits.
Pour
finir, je voudrais vous remercier pour avoir permis à la CNDH d’expliquer à la
population les actions qu’elle mène en cette période sensible marquée par la
pandémie du Covid-19.
Merci beaucoup, Madame le Président de la
CNDH !
C’est
moi qui vous remercie !
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