L’Assemblée nationale togolaise a approuvé le 18 décembre 2020 à l’unanimité, le Budget exercice 2021. Le Budget s’équilibre en dépenses et en recettes à 1.521,6 milliards de francs CFA et doit assurer le bien-être des populations, selon le Ministre de l’Economie et des finances, Sani Yaya. Et si l’Ancien Député, Tchagnaou Ouro-Akpo salue le changement majeur intervenu cette année dans le dispositif avec l’élargissement du Budget programme découpé en budget annuel pour tous les Ministères et institutions de l’Etat, il relève cependant, un certain nombre d’insuffisances dans le Budget.
Analyse
du Budget de l’Etat exercice 2021, selon Tchagnaou Ouro-Akpo
Le budget de l’Etat exercice 2021 vient d’être voté par
les députés à l’Assemblée nationale.
Comme il fallait s’y attendre, « les résultats ne sont pas à la hauteur des
ambitions » selon les propres termes du Président de la Commission
des finances et du développement économique de l’Assemblée nationale dans son
mot introductif lors de la plénière qui a consacré l’adoption de la Loi de
finances de l’Etat exercice 2021. Cette situation est dûe au contexte
économique marqué par les incertitudes liées à la pandémie du Covid-19.
De l’avis d’observateur que nous sommes, on peut noter
un changement majeur intervenu cette année dans le dispositif avec
l’élargissement du budget programme découpé en budget annuel pour tous les Ministères
et Institutions de l’Etat. Pour le reste aucune évolution particulière concernant
les recettes et les dépenses de l’Etat.
Cette année encore, le Gouvernement togolais à travers
le Ministre de l’Economie et des finances
qui représentait le Commissaire du Gouvernement s’est soumis à l’exercice conformément
à l’article 81 de la Constitution en ce qui concerne le contrôle de l’action du
Gouvernement et l’article 91 de la Constitution qui dispose que l’Assemblée nationale
vote les Projets de loi des finances dans les conditions fixées par une Loi
organique. Ces deux articles marquent le principe de la reddition des comptes dans
un système où le peuple est la raison d’être de l’Etat. Ainsi la reddition des
comptes est une exigence constitutionnelle incontournable, morale et éthique relevant
du pouvoir d’interpellations des peuples souverains pour vérifier la qualité de
la gouvernance des institutions et des ressources à la disposition de l’Etat.
Concernant la nouveauté introduite, il est à noter comme nous l’avons observé
ci-haut que le Projet de loi de finance exercice 2021 consacre la mise en œuvre
du Budget programme qui se traduit d’une part, entre autres de la déconcentration
de la fonction d’ordonnateur et d’approbation des marchés publiques, ainsi que
le renforcement du rôle des contrôleurs financiers, des responsables de
programmes, des planificateurs et du suivi évaluation pour plus d’efficacité
dans la gestion des ressources budgétaires.
Il faut reconnaître également que cette innovation bien
que devrait pourtant être effective depuis le 1er janvier 2019, est à
l’actif du Ministre de l’Economie et des finances qui a pris le temps pour mettre
en place tout le mécanisme du système intégré de gestion des finances publiques.
Nous lui faisons confiance car en 2016, il nous avait été rapporté que le Togo n’avait
qu’un seul contrôleur financier et manquait cruellement de planificateurs selon
le Ministre du Plan de l’époque, pour la mise en œuvre de cette Directive de l’UEMOA
à travers la LOLF (Loi organique portant
loi des finances) adoptée cette année même. D’où l’engagement avait été pris
pour le 1er janvier 2019 en ce qui concerne l’avènement du Budget
programme.
De toute les façons, la mise en œuvre du Budget programme
exige la présence d’un nouveau type de personnel composé de Responsables de
programmes, de planificateurs et de contrôleurs de finances dans tous les
Ministères et Institutions pour permettre une autonomie de gestion
décentralisée. Ce qui engage tous les Ordonnateurs délégués que sont les ministres
et autres présidents des institutions, par rapport à leur responsabilité
personnelle et sont soumis désormais aux règles de la comptabilité publique et la
redevabilité devant la Cour des comptes. De ce fait, il devient impérieux que
le chef de l’Etat prenne ses responsabilités pour donner toutes les compétences
régaliennes à la cour des comptes réduite à ce jour à une portion congrue d’observateur, incapable
de présenter un rapport qui puisse produire un effet de droit étant donné que
la Chambre correctionnelle de la cour des comptes n’est pas juridiquement opérationnelle.
La
question de fonds que l’on est en droit de se poser est que, la nouveauté
introduite a-t-elle apporté le changement ?
L’un des principes qui gouvernent l’étude du budget est
la sincérité.
En effet la représentation nationale dispose des
éléments d’analyse, pour lui permettre de jouer le rôle régalien, que sont des principes
universel à savoir : l’annualité, l’universalité et surtout la sincérité des
comptes de gestion des finances publiques.
D’une manière simple, l’annualité renseigne que le
budget doit être déposé avant l’année d’exercices conforment aux dispositions constitutionnelles et
l’article 60 de la LOLF pour éviter de recourir au douzième ou la gestion par
ordonnance.
Le principe de l’universalité obéit à la règle selon
laquelle aucune recette ne puisse être inscrite en dehors des documents budgétaires
dans le respect de la procédure. De ce fait toutes les recettes internes
doivent être déclarées de même que les recettes extérieures dont les
conventions et accords sont signés et ratifiés, ceci pour éviter que des crédits
soient ouverts sur la base des
intentions qui pourraient ne pas être réalisées. Tous les projets doivent être
des projets matures pour éviter d’avoir un taux d’exécution faible. Ce qui débouche
sur le troisième principe sacré qui est la sincérité des comptes.
En effet, l’Assemblée nationale ne doit pas être une chambre
d’enregistrement. Pour ce faire, s’il est reconnu par tous que depuis longtemps,
tous les projets de loi de finances envoyés
par le gouvernement à l’Assemblée nationale n’ont pas dérogé aux deux principes,
les représentants du peuple devraient être plus regardant en ce qui concerne la
sincérité des comptes publics. Plus concrètement, l’exposé des motifs à la page
10 renseigne que les opérations budgétaires dégagent un solde dont compris
déficitaire de 208,8 milliards alors qu'à la page 9, il est rapporté que les recettes
budgétaires enregistrent une baisse 27,1 milliards pour s’établir à 839,6 milliards.
Cette baisse est portée essentiellement par les dons programmes qui ont diminué
de 78,6%. Si en dépit de toutes ces informations présentées par l’exposé des motifs qui nous renseigne toujours à la page 10 que, les charges du trésor communément appelée « service de la
dette » connaissent une hausse de 5,4 milliards pour ressortir
à 399,6 milliards, il apparaît clairement que le ratio charge du trésor sur
reportée aux recettes internes est largement supérieur à 15%. Ce qui
dénote d’une situation très grave de manque de sincérité et un déséquilibre macro-économique .Il se pose
alors la question de la gestion de la
dette publique qui est du domaine de la souveraineté. En effet ce n’est un
secret pour personne, la dette n’est rien d’autre que les impôts futurs. On ne
peut pas augmenter indéfiniment la dette si on n’a pas la possibilité
d’augmenter les impôts au risque de conduire le pays au-dessus de ses moyens.
Si aujourd’hui le rebasage du système de la comptabilité nationale a permis de ramener le ratio de la dette publique
sur le PIB à 51%, le ratio service de la dette sur recettes internes est
exagérément élevé. Plus de 47% alors qu’il devrait être inférieur à 15%. Ce qui
doit obliger le Ministre de l’Economie et des finances et surtout le chef de l’Etat à être plus regardant en ce qui
concerne l’origine et surtout la gestion de la dette, en nommant un agent
comptable chargé de la dette publique, sinon, tous les efforts du Ministre de
l’Economie et des finances en ce qui concerne les recherches de financement, vont
se réduire à verser de l’eau dans une jarre trouée. Il faut rappeler que l’un des
facteurs de l’échec de la SCAPE que nous avons dénoncé depuis 2016 a été la non
maîtrise de la gestion de la dette publique qui,
si la question n’est pas résolue risque de plomber le PND.
Le fait marquant est, l’absence dans le Rapport de
l’étude de fond de la loi des finances exercice 2021 l’absence des questions
relatives à la contribution aux recettes de l’Etat, des sociétés d’Etat telles
que le Port Autonome de Lomé, la LONATO. Le cas de la SAFER qui de tout temps n’a
jamais présenté un rapport de gestion de l’entretien routier pose problème. Ce qui
est paradoxal, ces sociétés bénéficient des recettes totales des péages sur nos
routes, mais aussi les 2/3 des droits d’assise, une taxe parapublique qui est
prélevée sur chaque litre des produits pétroliers dès qu’il franchit la douane
togolaise. Cette taxe est passée de 35F le litre à 28F le litre en 2016. Comment peut-on expliquer cette volonté affichée
d’augmenter le prix de péage dont on ne connaît pas les tenants et les aboutissants,
au moment où la question de la gestion des prix des produits pétroliers n’a pas
été résolue. Tout se passe comme si ces questions ont manqué d’intérêts pour
les députés lors de l’étude du budget qui se sont plus attardés sur les
indicateurs du CDMT (Cadre des Dépenses à Moyen Terme) plutôt que sur les
conditions de collecte des recettes et leurs allocations et différents aspects
des politiques publiques.
Tout en espérant que notre analyse contribuera à améliorer
la conception et la prise de conscience des uns et des autres face à leur responsabilité individuelle et collective je
vous souhaite une bonne et heureuse année 2021.
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