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Ghislain Koffi Nyaku |
Le Togo sera devant les Nations Unies pour son Examen Périodique Universel (EPU) en 2022. Et pour favoriser une meilleure participation des Organisations de la société civile à l’EPU, le Collectif des Associations Contre l’Impunité au Togo (CACIT) a initié des consultations au cours desquelles plusieurs rapports matrices ont été produits. Quelle est l’importance de ces consultations ? Que pourrait-on attendre de la participation du pays ? Et comment le pays prépare son EPU ? Ghislain Koffi Nyaku, Directeur exécutif du CACIT, répond à toutes ces questions dans cet entretien. Lisez plutôt !
Gapola : Le 3ème cycle de l’Examen Périodique Universel (EPU) est lancé depuis quelques mois au Togo. Faites nous l’historique et explique nous le fonctionnement et le but de ce mécanisme
Ghislain Koffi Nyaku : Mis
en place en 2006 en remplacement de la Commission des droits de l’Homme, l’Examen
Périodique Universel (EPU) est un mécanisme du Conseil des Droits de l’Homme
(CDH) qui permet aux Etats pairs de s’évaluer sur la situation des droits de
l’Homme de leur pays correspondant. Par ce mécanisme, la situation des droits
de l’homme de tous les pays membres de l’ONU est examinée tous les 5 ans. 42
États sont examinés par année lors de trois sessions de l’EPU de 14 pays
chacune. Ces sessions se tiennent généralement en janvier/février, avril/mai et
octobre/novembre. Le résultat de chaque examen est un "document
final" listant les recommandations
faites à l’État examiné qu’il devra mettre en œuvre avant l’examen suivant. Ce
mécanisme a pour but d’examiner, d’évaluer et de contribuer à l’améliorer la situation
des droits de l’Homme dans chacun des 193 Etats membres de l’ONU.
Le CACIT et ses partenaires ont
organisé une consultation nationale en avril et un atelier de validation en
juillet 2021 dans le cadre de l’EPU. Pouvez-vous nous en dire davantage sur ces
activités ?
En
janvier 2022, l’EPU sera à son 3ème cycle au cours duquel le Togo
sera évalué par ses pairs. En vue d’assurer que les Etats mettent bien en œuvre
les observations finales de l’EPU avant le prochain, les ONG s’engagent pour faire
connaitre les défis liés aux droits de l’Homme sur lesquelles leur Etat doit se
focaliser et d’assister l’Etat dans la mise en œuvre des recommandations. C’est
dans cette lancée que le CACIT avec l’appui financier de UPR Info a organisé du
28 au 30 avril 2021 à Lomé, en collaboration avec le CCPR Centre, une
consultation nationale avec les acteurs de la société civile pour l’élaboration
de rapports alternatifs dans le cadre du 3ème cycle de l’EPU prévu
pour janvier 2022. Cet atelier auquel a été associé la Commission Nationale des
Droits de l’Homme, a réuni cinquante-cinq (55) acteurs de la société civile
(associations, ONG, médias et syndicats) venus de Lomé et de toutes les régions
du pays.
L’objectif
de cet atelier était de renforcer la contribution de la société civile
togolaise au processus d’EPU tout en fournissant des informations détaillées
aux participants sur ce qu’est le mécanisme de l’EPU, de les doter des outils
nécessaires pour rédiger et soumettre des rapports alternatifs.
Ensuite,
à la fin de l’élaboration de ces rapports, un atelier de validation fut
organisé le 07 juillet 2021 toujours à Lomé afin de faire des amendements
nécessaires pour la validation et le renforcement de la visibilité sur le processus
d’EPU. Cet atelier de validation a vu la participation des organisations de la
société civile qui se sont impliquées dans l’élaboration desdits rapports ainsi
que les acteurs étatiques, en collaboration avec UPR Info, le CCPR-Centre et
l’OMCT et l’appui financier de Pain Pour Le Monde et de la Francophonie.
Pour
le présent cycle, au total neuf (09) rapports ont été produits. Ces rapports ont
porté respectivement sur les droits civils et politiques (Libertés publiques
fondamentales et administration de la justice , condition de détention, le
droit à la vie, la torture et mauvais traitements et conditions de détention,
les droits économiques sociaux et culturels, les droits des femmes, les droits
des enfants, les droits des personnes vulnérables, les droits des défenseurs
des droits de l’Homme, la corruption, entreprises et droits de l’Homme ainsi
que sur un rapport synthèse. Une matrice évaluant l’ensemble des
recommandations a aussi été produite.
Après l’atelier de validation, vous avez
produit plusieurs rapports thématiques. Quels sont les points forts de cet
atelier de validation ?
Les points forts que nous pouvons retenir sont
diverses. Nous pouvons évoquer comme points forts la participation des
acteurs étatiques ainsi que des OSC dans leurs domaines respectifs qui a aidé à
apporter des informations harmonisées, fiables et vérifiées dans les neuf (09) rapports
produits. Il faut aussi noter la prise en compte de tous les droits de l’Homme
y compris les droits environnementaux et la corruption qui sape la réalisation
des droits de l’Homme à travers le rapport « Corruption, entreprises et
droits de l’Homme ».
Quelles sont les recommandations
prioritaires que vous voulez bien voir transparaitre dans le rapport final
après l’EPU ?
Dans
le cadre du processus d’EPU, neuf (09) rapports ont été élaborés et validés
tels que précités. Dans ces rapports, plusieurs recommandations ont été
formulées pour chaque thématique. Tout est prioritaire, mais pour les
recommandations les plus urgentes nous pouvons entre autres mettre l’accent sur
les recommandations qui concernent les conditions de détention, l’atteinte au
droit à la vie, les enquêtes et la lutte contre l’impunité, les mesures pour
prévenir les actes de torture ou des mauvais traitements cruels, inhumains ou
dégradants, l’adoption du code de procédure pénale, l’effectivité de la loi
portant sur l’aide juridictionnelle, la ratification par l’Etat du protocole
facultatif au Pacte International relatif aux DESC et le renforcement des
structures éducatives et sanitaires. Nous pouvons également évoquer les
recommandations sur la protection des défenseurs des droits de l’Homme, en
prenant en compte les spécificités liées à la protection des femmes défenseures
des droits de l’Homme, l’actualisation de la Loi n° 2005-009 relative
aux trafics d’enfants au Togo en intégrant le volet NTIC
(cybercriminalité) et le renforcement des stratégies de lutte contre les
mutilations génitales féminines et de suivi psycho-médical et social des
victimes au Togo.
Que comptez-vous faire pour que ces
recommandations soient formulées à l’endroit du Togo ?
Pour que ces recommandations soient prises en compte
dans les observations finales de l’EPU, nous comptons mener des plaidoyers
auprès des acteurs pertinents que sont les Etats. Nous allons, pour ce faire
organiser des pré-sessions à Lomé et à Genève. A cette occasion, les rapports
seront présentés aux ambassadeurs des Etats qui ont l’habitude d’adresser des
recommandations à notre pays. Le plaidoyer devrait se poursuive jusqu’à la
session et nous ferons l’effort de toucher les autres pays à travers nos
partenaires de l’UPR Info à Genève.
Récemment le Togo est passé devant le Comité des droits de l’Homme. Y a-t-il une différence entre ce mécanisme et l’EPU ?
Le Comité des droits de
l’homme est un organe composé d’experts indépendants qui surveille la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits civils
et politiques par les États parties, c’est à faire les
Etats ayant ratifié le Pacte. Tous les États parties sont tenus de présenter au
Comité, à intervalles réguliers, des rapports sur la mise en œuvre des droits
consacrés par le Pacte. Ils doivent présenter un premier rapport un an après
avoir adhéré au Pacte, puis à chaque fois que le Comité le leur demande
(généralement tous les quatre ans). Le Comité examine chaque rapport et fait
part de ses préoccupations et de ses recommandations à l’État partie. Concernant la
différence entre ces deux mécanismes, d’abord il faut dire que le Comité des Droits de l’Homme
(CDH) et l’Examen Périodique Universel (EPU) sont des mécanismes parmi tant
d’autres des Nations Unies qui œuvrent pour la promotion et la protection des
droits de l’Homme. Le Comité des Droits de l’Homme est un organe composé
d’experts indépendants qui surveille la mise en œuvre du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques tel que précisé. Il est composé de 18
experts indépendants qui
sont des personnes de haute moralité et d'une compétence reconnue dans le
domaine des droits de l'Homme. Ces experts et membres de ce comité, formulent des
recommandations aux Etats parties. Quant à l’EPU, tel que nous l’avons dit plus
haut, c’est un mécanisme qui aborde toutes les thématiques des droits de
l’Homme dans un pays. Ici, ce sont les Etats qui formulent les recommandations
à l’endroit de l’Etat (leurs pairs) qui est évalué à la session. Si le passage
devant le Comité des droits de l’Homme requiert la ratification du Pacte, pour
l’EPU, ce sont tous les Etats des Nations Unies qui passent devant ce mécanisme.
Il faut souligner que lors de ce dernier passage, le CACIT et d’autres
organisations ont élaboré et soumis deux (02) rapports alternatifs : l’un
sous la coordination du CCPR-Centre portant sur l’ensemble des préoccupations
majeures relatives aux droits civils et politiques et l’autre traitant plus
spécifiquement de la situation des enfants en conflit avec la loi soumis
conjointement avec l’OMCT.
Avez-vous le sentiment que vos préoccupations ont été entre autres prises en compte par le Comité des droits de l’Homme dans ses recommandations ?
Nous pouvons dire que nos préoccupations sont prises
en compte sur la majeure partie des recommandations formulées. Sur les
questions de la persistance de l’impunité et des violations passées des droits
de l’Homme, le comité a relevé l’absence de condamnation pénale des auteurs
présumés des violations des droits de l’Homme lors des élections présidentielles
de 2005. Le comité a exprimé son regret sur les explications de la délégation
togolaise selon lesquelles l’Etat priorise plus la justice réparatrice qu’à la
justice pénale en matière de répression des auteurs de violations graves des
droits de l’Homme. Nous notons aussi les préoccupations relevées par le Comité
sur la corruption dans le secteur de la justice, la question de l’indépendance
de la justice, le faible nombre d’enquêtes et de condamnations des actes de
corruption, la quasi-absence d’enquêtes et de poursuites par le parquet pour
les actes de torture et de mauvais traitements et sur les restrictions de la
liberté d’expression dans le but d’entraver les activités des journalistes,
syndicalistes, leaders d’opinion et voire des défenseurs de l’Homme.
Votre mot de la fin
Il
est certes vrai que l’Etat fait déjà des efforts pour l’amélioration de la
situation des droits de l’Homme, mais au vu des rapports que nous avons
produits et au regard des recommandations faites par le Comité des droits de
l’Homme, il ne fait aucun doute qu’il subsiste encore des préoccupations
sérieuses en matière des droits de l’Homme dans notre pays. Nous rappelons une
fois encore que c’est au titre des engagements internationaux pris par l’Etat
que nous demandons que les droits de l’Homme soient respectés.
Ainsi,
nous encourageons fortement l’Etat à renforcer sa responsabilité pour ce qui
est des droits de l’Homme. La moindre injustice où qu’elle soit faite, menace
l’édifice tout entier. Alors nous félicitons et encourageons le gouvernement
dans son accompagnement de la société civile, qui œuvre pour l’amélioration de
la situation des droits de l’Homme au Togo.
Nous
voulons aussi, pour finir réitérer nos remerciements à nos partenaires UPR-Info,
OMCT, CCPR-Centre et PPLM qui nous offrent des accompagnements ou techniques ou
financiers, parfois les deux (02) dans notre vision d’assurer la coordination
de la contribution de la société civile togolaise aux différents passages du
Togo devant des mécanismes de protection des droits de l’Homme.
Je vous remercie.
Mail : thierryaffanoukoe@gmail.com
Tél : (00228) 92 42 51 78 / 97 85 10 60 : Pour vos
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